Nous voilà
donc à la veille de débats télévisés qui détermineront en grande
partie la dynamique de fin de campagne. S’il connait de bons débats, M. Charest
pourra peut-être espérer renverser la vapeur et rester dans la course. Si M. Legault arrive à s’imposer,
il peut créer un momentum jusqu'au au fil d’arrivée. Une
mauvaise performance de Mme Marois pourrait convaincre un grand nombre d’indécis
de ne pas appuyer le PQ. Bref, tout est encore possible pour les trois
principaux partis.
J’ai fait
partie de l’équipe de préparation aux débats de trois chefs au PLC au
cours de trois campagnes électorales dont les dynamiques étaient totalement
différentes (Martin alors qu’il était PM, Dion et Ignatieff alors qu’ils
étaient chef de l’Opposition). Je peux
vous le confirmer : les partis politiques accordent beaucoup d’importance
aux débats. Rien n’est laissé au hasard. On ne veut pas en sortir affaibli. On veut - il faut - les "gagner".
Je n’ai
connu aucun chef (Premiers ministres y compris) qui n’avaient pas le trac avant
de monter sur scène. C’est un exercice inhumain. La pression est extrême, la
marge d’erreur inexistante, l’atmosphère pré-débat indescriptible.
Les chefs se
préparent donc méticuleusement. Pendant de nombreuses heures avant la tenue des
débats, ils se réunissent avec leurs proches conseillers (une demie douzaine au
maximum) pour établir et revoir le plan de match, parcourir les « cahiers »
de débats, discuter de la stratégie et parfois même pour s’exercer dans
des simulations de débats (ce que les anglophones appellent « mock debate »).
Chaque chef a ses préférences sur ce qu’il souhaite voir dans son cahier de débat,
mais en général, on y trouve les éléments suivants : les positions des
partis adverses sur tous les enjeux, les vulnérabilités – les vôtres et ceux de
vos adversaires, les lignes d’attaque – et celles des autres partis, les thèmes
à exploiter, etc. Plus le débat approche, plus la fébrilité augmente. Le chef
doit bâtir sa confiance graduellement, trouver sa zone de confort, être dans sa
« bulle » le soir du débat. Quelques minutes avant, la
tension est tangible. Même les sourires devant les caméras n’arrivent pas à
cacher la nervosité des chefs.
Le débat a
lieu. Et le cirque commence. La plupart du
temps, les médias couvrent les débats comme des matchs de boxe. Les clergés
d’experts que l’ont a réuni pour l’occasion sont rapides sur la gâchette : il
faut dans les minutes qui suivent le débat déclarer un gagnant et un perdant.
On évalue ainsi le résultat en fonction de qui a donné le meilleur « punch »,
qui a été le plus à l’offensive, etc.
En ce qui me
concerne, comme électeur, les débats remplissent deux fonctions. Quand le
format le permet et que la démagogie des participants ne prend pas le dessus,
ils m'aident à comparer les idées et les propositions des différents partis. Et
à me faire découvrir davantage les chefs de partis sans le filtre des médias.
Ainsi, je peux me familiariser à leur style, à leur façon de communiquer, à
leur capacité à contrôler leurs émotions, à leur jugement ; bref à leur
personnalité et à leur tempérament. Il ne suffit pas toujours que d’appuyer les
idées du parti pour lequel on va voter. On cherche aussi à en savoir plus sur
les individus qui aspirent nous diriger. Ma grille d’évaluation pour les chefs?
L’intelligence, la confiance, l’authenticité, la compétence et l’intégrité.
L’importance
des débats dans les campagnes électorales est probablement exagérée. Mais c’est
un peu comme un examen de fin de session : il faut s’y préparer avec beaucoup de diligence et de sérieux.
Et on ne peut tout simplement pas manquer son coup.
No comments:
Post a Comment